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Lettre pastorale 2019 - «Va, aime, sois témoin »

Chers amis,

 

Notre Pape François nous invite en octobre 2019 à vivre un mois missionnaire extraordinaire avec pour objectif de réveiller notre conscience missionnaire. Déjà au début de son pontificat en 2013, dans sa lettre, Evangelii Gaudium, « La joie de l’Evangile », il invitait l’Eglise à un nouveau « départ » missionnaire.

 

Cet appel du Pape François m’a beaucoup interpellé : l’Eglise n’existe que pour la mission, c’est pourquoi elle doit être « en état permanent de mission »[1]. Saint Paul disait : « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile » (1, Co, 9,16).

 

Les évêques des îles de l’Océan Indien, eux aussi, vont adopter cette thématique pendant cette année. C’est donc ensemble, en communion, que nos Eglises de l’Océan Indien accueillent cet appel du Pape François qui nous invite avec une certaine urgence « à sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Evangile »[2].  Il convie tous les diocèses du monde à « passer d’une pastorale de simple conservation à une pastorale vraiment missionnaire »[3].

 

Ainsi le Christ quand il appelle à lui c’est toujours pour envoyer. « Va… allez ! » est un ordre qu’il donne à ceux qu’il guérit, à ceux qui ont goûté à sa vie. Il dira au possédé qu’il avait libéré : « Va dans ta maison, auprès des tiens et rapporte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde » (Mc 5, 19).

 

Dans cette lettre, je voudrais vous inviter à redécouvrir la vocation missionnaire de notre Eglise. La tâche missionnaire qui nous revient, à nous baptisés, peut être perçue par certains, comme un lourd fardeau. Mais de fait elle est source de joie. Quand nous rencontrons le Christ, nous découvrons sa joie et sa paix et nous ne pouvons les garder pour nous. Beaucoup d’entre nous ont fait cette expérience profonde à un moment de notre vie.


La mission est aussi source de bonne santé pour l’Eglise. Une Eglise repliée sur elle-même se rendra vite compte qu’elle est malade. Ce que l’Eglise a reçu du Christ, son message, sa vie, son héritage, elle ne peut les garder pour elle. Car tout ce que nous gardons jalousement pour nous, se perd, se gâte, quand ce n’est pas partagé.

 

C’est pourquoi j’invite les paroisses, les communautés religieuses, les mouvements et les services du diocèse à entrer avec confiance dans ce discernement missionnaire auquel nous convie le Pape François : « Nous sommes tous appelés à cette nouvelle ‘sortie’ missionnaire. Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande »[4].

 

Il s’agit de réfléchir concrètement à notre façon d’assumer la responsabilité de la mission qui nous est confiée à Maurice aujourd’hui. Il y a déjà un long chemin qui a été fait. Le projet Kleopas, lancé concrètement depuis 2016, a été notre manière de répondre à cet appel. Ce projet touche vraiment le cœur de la mission : l’annonce de l’Evangile et la transmission de la foi aux enfants, à leurs parents et aux jeunes. Je suis vraiment heureux que nous nous soyons mis en route ensemble et que nous avancions avec méthode et enthousiasme. Mais le projet Kleopas ne couvre pas tous les aspects de la mission de l’Eglise. A partir du cœur de la mission, il nous ouvre aussi à d’autres appels qui découlent de cette annonce de l’Evangile.

 

Avec le temps qui passe et les changements rapides qui interviennent dans notre monde comme dans notre île, de nouveaux défis surgissent et demandent des réponses nouvelles. Prions l’Esprit pour qu’il nous éclaire dans notre discernement et nous donne le courage d’explorer les nouveaux chemins missionnaires qui s’ouvrent devant nous.

 

 

Chapitre I

Jésus appelle pour envoyer

 

« Allez »

 

Ouvrons les évangiles et les Actes des Apôtres. Que voyons-nous ? Jésus Ressuscité envoie. Son Esprit pousse les disciples à sortir, à aller toujours plus loin. Il les convie à aller dans le « monde entier » pour proclamer l’Evangile à toute la création, comme si la Bonne Nouvelle ne peut être gardée pour soi. Avec plusieurs nuances selon les écrits, nous repérons une même insistance : il est urgent d’aller vers les autres.

 

Aux femmes venues au tombeau après la mort de Jésus, l’ange du Seigneur dit : « Allez dire à ses disciples (…) : « il vous précède en Galilée, c’est là que vous le trouverez comme il vous l’a dit » (Mc 16, 7). Aux disciples qui se rendent en Galilée où Jésus leur avait donné rendez-vous, il dit : « Allez de toutes les nations, faites des disciples » (Mt 28, 19-20). Aux apôtres qui se sont enfermés dans une salle à Jérusalem, par crainte des juifs, il dit : « Comme le Père m’a envoyé moi aussi je vous envoie » (Jn 20, 21).

 

Par cette insistance, nous comprenons que le Seigneur ne veut pas d’une Eglise qui s’intéresse qu’à elle-même. Il ne souhaite pas que l’Eglise se réfugie dans une citadelle à l’abri des autres hommes. Il veut plutôt d’une Eglise qui sort d’elle-même et qui s’enracine au monde. Une Eglise itinérante qui va à la rencontre des hommes, des femmes, les écoute et leur partage ce qu’elle a de meilleur.

 

« N’ayez pas peur »

Mais les récits des rencontres avec Jésus Ressuscité nous disent aussi que les disciples ont peur. Par exemple, quand les femmes qui étaient venues au tombeau après la mort de Jésus s’aperçoivent que le tombeau est vide, elles sont « saisies de frayeur » (Mc 16, 5, Lc 24, 5). Même quand l’ange du Seigneur essaie de les rassurer, elles restent « toute tremblantes et bouleversées et ne disent rien à personne car elles avaient peur » (Mc 16, 8). Quand Jésus vient rejoindre ses disciples réunis dans la maison, ils ont verrouillé les portes « par peur des juifs » (Jn 20, 19) ; et quand Jésus leur dit, « la paix soit avec vous » ils sont « effrayés et remplis de crainte » (Lc 24, 37).

« Recevez l’Esprit Saint »

Mais Jésus Ressuscité ne les laisse pas seul à se débattre dans leur peur. Il fait le premier pas et vient les rejoindre dans leur désarroi. Il souffle sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20, 21). Il leur demande de rester à Jérusalem pour attendre ce que le Père avait promis : « Vous allez recevoir une puissance celle du Saint Esprit qui viendra sur vous » (Actes 1, 4-8). Le jour de la Pentecôte, lorsqu’ils reçoivent l’Esprit, ils n’ont plus peur, ils annoncent alors le Christ Ressuscité avec assurance.

Aujourd’hui aussi Jésus nous dit : « Allez ». Comme les disciples, nous pouvons ressentir les mêmes peurs. C’est vrai que par nous-mêmes, nous ne sommes pas à la hauteur de cette mission. C’est pourquoi Jésus nous confie à l’Esprit. Il nous invite à nous laisser guider par lui ; car c’est l’Esprit qui nous apprend à vraiment aimer Jésus et à partager sa Bonne Nouvelle sans peur ni honte, avec les hommes et les femmes de notre temps.

« Soyez mes témoins »

Les disciples sont envoyés pour être les témoins de Jésus. Témoigner, c’est annoncer que Jésus est ressuscité et qu’il est venu nous rencontrer. C’est partager comment cet homme qui a donné sa vie pour nous, est le Fils de Dieu, qu’il a pardonné nos péchés et a transformé notre vie.

Les premiers témoins qui sont partis de Jérusalem sont allés toujours plus loin, « jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1,8). Ainsi, Pierre même s’il avait peur, conduit par l’Esprit, n’a pas hésité à aller chez Corneille. Ce dernier, qui était centurion romain, était considéré comme païen par les Juifs. Le diacre Philippe lui aussi, poussé par l’Esprit, va à la rencontre de l’Ethiopien sur la route de Gaza. Paul fait des milliers de kilomètres à pied, il passe de ville en ville, en Asie mineure et en Grèce, pour témoigner de Jésus, même s’il rencontre lui aussi de l’opposition.

 

Témoigner de Jésus entraîne souvent des persécutions et des critiques. En effet, le mot grec pour dire « témoin », est « martyr ». Ce qui signifie que pour porter témoignage au Christ, il faut être prêt à souffrir pour lui, comme lui-même a accepté de souffrir pour nous.

 

Mais la persécution et l’opposition que rencontrent les premiers témoins de Jésus ne les arrêtent pas. Au milieu de leurs épreuves, l’Esprit leur donne une force intérieure et une assurance pour continuer à témoigner. Etienne est le premier chrétien qui a été martyrisé parce qu’il témoignait du Christ. Après sa mort, la première communauté chrétienne a été elle-même persécutée. Elle s’est dispersée mais cette dispersion a été l’occasion d’un nouvel essor missionnaire (Actes 8, 1-4).

Lors des persécutions, les premiers missionnaires ne restent pas isolés. Ils sont toujours soutenus par une communauté de frères et de sœurs. C’est là, dans l’échange et la prière commune, qu’ils reçoivent de l’Esprit la grâce de la fidélité pour persévérer dans la mission.

 

 

Chapitre II

« Disciples-missionnaires »

Un disciple est d’emblée missionnaire

L’appel à devenir « disciple-missionnaire » est une insistance du pape François. Le pape ne dit pas disciple et missionnaire mais disciple-missionnaire. Pour lui, ces deux aspects de la vie baptismale sont indissociablement liés. Un disciple est d’emblée missionnaire. Celui qui se met à l’école du maître ne reste pas forcément auprès de lui mais devient apôtre, c’est-à-dire, « envoyé ». « Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ[5] ».

Le pape appelle à une transformation missionnaire de l’Église. Il veut une « Église en sortie », décentrée d’elle-même, pour aller « aux périphéries ». « Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures ».[6]

Le Seigneur lui-même appelle 72 disciples et les envoie en mission. Certaines paroisses se sont inspirées de l’exemple du Christ. Elles ont rassemblé 72 personnes qui préparent les enfants à la Première Communion et à la Confirmation et les ont envoyés visiter les parents de ces enfants. Après un temps de prière et de préparation, ces personnes s’en vont 2 par 2 dans les différents quartiers de la paroisse. Elles prennent le temps de faire connaissance avec les parents et leur proposent de participer à la préparation de leurs enfants ; ils mettent à leur disposition des moyens simples et leur offrent leur aide et leur soutien. J’ai eu l’occasion d’écouter ces disciples-missionnaires au retour de leur mission. Il y avait chez eux une grande joie – la joie d’avoir pu partager l’Evangile avec leurs frères et sœurs.

D’autres chrétiens ont participé à une session d’évangélisation où ils ont redécouvert leur foi en Jésus avec un grand bonheur. Ils n’ont plus alors qu’un seul désir, aller partager cette joie avec un ami, un collègue, un parent et l’inviter à aller lui aussi participer à cette session pour redécouvrir la foi de leur baptême.

Ces chrétiens sont devenus des disciples-missionnaires : ils ont répondu à l’appel du Christ, et le Christ les a envoyés vers leurs frères et sœurs.

« Ce que vous avez reçu, partagez-le »

Aujourd’hui aussi la moisson est vraiment abondante et les ouvriers peu nombreux. Quelquefois devant l’immensité des défis missionnaires et les moyens limités dont nous disposons, nous pouvons nous sentir démunis. Nous nous demandons si ces quelques disciples-missionnaires pourront faire la différence.

Notre sentiment rejoint celui des disciples qui, un jour, avaient été invités par Jésus à se rendre dans un endroit désert pour se reposer. A peine arrivés, ils sont confrontés à une foule considérable qui a faim et n’a rien à manger. Ils demandent à Jésus de renvoyer ces gens pour qu’ils aillent chercher à manger dans les villages des environs. Mais Jésus répond : « Donnez-leur vous-même à manger » (Mt 14,16). Comme ils ne trouvent que cinq pains et deux poissons, ils se disent que ce que Jésus demande est impossible. Mais lui ne cesse de les surprendre : il prend les 5 pains et les 2 poissons, il les bénit, rompt les pains et demande aux disciples de les partager avec la foule. Et voilà qu’à chaque fois qu’ils partagent ce qu’ils ont reçu, ils en reçoivent davantage pour partager. La foule est finalement « rassasiée » grâce à une cascade de petits gestes successifs où ce qui était « reçu gratuitement » a été immédiatement donné gratuitement.

C’est dans le même Esprit que le Seigneur nous envoie en mission aujourd’hui. Devant les immenses besoins des gens, il ne nous demande pas de déployer de grands moyens, mais il nous invite à nous mettre en route, tels que nous sommes, avec nos limites en lui faisant confiance. Le Seigneur s’engage à déployer sa puissance dans notre faiblesse. Nous nous rendons compte que le succès de la mission ne dépend pas de nos talents ou de nos propres forces, mais du don gratuit du Seigneur qui vient nous sauver. Il nous demande simplement de faire ce que nous pouvons.

« Soyez levain dans la pâte » (Mt 13,33)

Les disciples-missionnaires sont discrets. On ne les remarque pas, on ne les entend pas ; mais ils sont bien là. Tout doucement, sans en avoir l’air, grâce à leur présence bienveillante et agissante, par leur parole à la fois encourageante et interpellante, ils contribuent à transformer la vie d’une personne, d’une famille, d’une société. Les disciples-missionnaires sont comme un peu de levain dans la pâte.

« Vous êtes le sel de la terre » (Mt 5, 13)

Les disciples-missionnaires sont aussi appelés à être sel de la terre. Le sel ne se voit pas dans la nourriture. Mais s’il n’est pas là on s’en rend compte tout de suite. Pour que le sel donne du goût, il s’agit d’en mettre juste ce qu’il faut, ni trop, ni pas assez. De même le service que rendent des disciples-missionnaires doit s’ajuster à ceux vers qui ils vont : ni trop d’insistance, ni indifférence. Être dans le monde mais pas du monde. Être présent et proche des gens mais sans compromis, sans laisser aller. Savoir être libre pour témoigner du Christ, mais savoir aussi ne pas s’imposer. Partager, proposer mais respecter la liberté de chacun.

« Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5,14)

Jésus dit aussi aux disciples-missionnaires : « Vous êtes la lumière du monde ». Non pas une lumière écrasante qui éblouit. Mais une douce lumière qui brille dans la nuit et invite à l’espérance. Une lumière apaisante aussi qui reflète la présence lumineuse du Christ qui nous accompagne à chaque pas du chemin. Le disciple-missionnaire ne maudit pas l’obscurité, il allume simplement une lumière pour aider à avancer sur la route.

« Le Christ, levain, sel et lumière »

Selon les circonstances de la vie, chacun sera appelé à être tantôt levain dans la pâte, tantôt sel de la terre ou lumière du monde. Ce n’est pas le disciple-missionnaire qui décide. Il se rend plutôt disponible pour qu’en toute circonstance le Christ se serve de lui pour être un reflet de sa présence auprès de ses frères et sœurs.

Car c’est lui, le Christ qui, dans nos vies, est la source de la lumière qui chasse les ténèbres. C’est lui qui, par son amour donne du goût à nos vies quand elles menacent de devenir fades. C’est lui qui, comme la puissance invisible du levain, nous fait grandir dans la foi et développer notre potentiel humain.

 

Chapitre III

Les défis des disciples-missionnaires

Soyons francs. Accueillir l’appel du Christ à être ses disciples-missionnaires, accepter d’être sel de la terre, lumière du monde ou levain dans la pâte dans le monde d’aujourd’hui ne va pas de soi. Chacun est invité à réfléchir à cet appel, à prier l’Esprit et à prendre une décision libre. Sa réponse devra être en harmonie avec son état de vie. Par exemple, les personnes mariées ne pourront pas donner le même genre de réponse qu’un prêtre ; la réponse d’un aîné ne sera pas comme celle d’un jeune ou d’un enfant. Mais tous sont appelés à être des disciples-missionnaires, chacun à sa manière.

La réponse de chacun, toute petite soit-elle, est importante. Le Christ saura multiplier les cinq petits pains que chacun apportera.

Témoigner de l’Evangile auprès des chrétiens qui ont décroché

Beaucoup d’adultes qui ont été baptisés enfants, ne voient pas la pertinence de leur foi en Christ. Leur foi en Christ se résume à certains principes de morale et une obligation à pratiquer. Cela n’a pas eu une grande signification pour leur vie. Ils n’ont jamais été invités à rencontrer personnellement Jésus Christ et à découvrir sa miséricorde. Lorsqu’à l’âge adulte, ils se posent des questions sur le sens de la vie, cette morale et cette pratique ne répondent pas à leurs attentes. Alors ils décrochent.

Le défi n’est pas de chercher à les ramener simplement à une pratique religieuse qu’ils ont abandonnée depuis longtemps. Il s’agit plutôt de les écouter et de les accompagner dans leur recherche. Viendra le moment où l’on pourra aussi leur parler de Jésus et leur proposer une initiation à une foi adulte. Rien ne peut remplacer l’expérience d’une rencontre personnelle avec Jésus. Car seul Jésus peut toucher quelqu’un qui cherche sincèrement ; seul Jésus peut nous faire découvrir le vrai visage de Dieu, un Dieu de tendresse et de miséricorde pour les pécheurs que nous sommes. C’est la découverte de l’amour personnel du Dieu vivant qui transforme notre vie.

Témoigner de l’Evangile auprès des jeunes

Aujourd’hui il est de plus en plus difficile pour les parents de témoigner de l’Evangile auprès de leurs enfants. Dans de nombreuses familles, même dans les familles croyantes, il y a eu un genre de cassure dans la transmission. Certains adultes n’étaient plus à l’aise dans leur foi et avaient du mal à en parler. D’autres, tout en étant des chrétiens convaincus, n’arrivent pas à communiquer leur foi. Beaucoup de jeunes ont plongé dans un genre d’indifférence religieuse. Ils donnent le sentiment qu’ils peuvent très bien vivre leur vie sans Dieu.

D’autres fois, les jeunes peuvent être éblouis par ce qui leur est proposé pour s’enrichir vite. Ils sont tentés de se laisser étourdir dans des plaisirs sans lendemain. Même si certains donnent l’impression de se plaire dans ce genre de vie, beaucoup ne sont pas satisfaits : « Alors que Dieu les appelle au bonheur, les jeunes semblent ennuyés, comme tristes, c’est le signe et la reconnaissance de l’insuffisance des choses. Ils essaient d’aller de l’avant avec la superficialité, la banalité… car quelque chose ou quelqu’un leur manque ; ils ne le savent pas parfois, mais en font l’expérience. Ils sont dans l’attente que quelque chose se passe pour les sortir de l’ennui. Pour enfin voir le sunrise du bonheur »[7].

Pour annoncer l’Evangile aux jeunes, le défi n’est pas uniquement de les entendre mais de les écouter. Pour cela il s’agit de se familiariser avec leur culture numérique, de fréquenter leur espace dans les médias sociaux et d’apprendre leur langage. C’est là qu’on peut découvrir les valeurs qu’ils vivent déjà. Les jeunes ont quelque chose à nous apporter. Pour le découvrir, il nous faut rejeter nos « à priori » et développer un regard bienveillant. C’est dans une telle atmosphère de confiance mutuelle que l’annonce de l’Evangile peut résonner comme une bonne nouvelle et transformer leur vie.

Parmi les jeunes eux-mêmes, plusieurs ont déjà commencé un chemin de foi à la suite de Jésus. Pour eux aussi, le défi est de savoir témoigner de leur foi avec leurs amis. Un témoignage simple peut être très parlant et aider un frère, une sœur à se mettre en route.

Annoncer aux familles la bonne nouvelle de l’amour

Autant la famille est « le chef d’œuvre de Dieu », autant elle est un chef d’œuvre fragile. Elle est exposée à beaucoup de pressions dans un monde en profonde mutation. Par exemple, les pressions dans le monde professionnel où les horaires prolongés et irréguliers donnent peu l’occasion aux couples d’être présents l’un à l’autre ou aux parents d’être proches de leurs enfants. Les familles sont aussi fragilisées par les séparations et la difficulté à gérer les conflits internes entre conjoints ou entre parents et enfants.

La pastorale de la famille a une longue histoire à Maurice. Beaucoup de couples ont été préparés au mariage, beaucoup de familles ont été accompagnées dans leur vie quotidienne. Mais on constate une augmentation des séparations, des divorces. Des couples vivent en ménage ou en cohabitation. On note aussi une baisse dans le nombre de mariages célébrés à l’église. De plus, les relations entre parents enfants sont difficiles, souvent tendues. Les actualités font écho de plusieurs formes de violence dans les familles.

Les écrans, petits et grands, accaparent l’attention de tous les membres de la famille et bloquent le dialogue.

La banalisation de la sexualité entraine souvent des grossesses précoces.

Le défi est d’offrir aux couples et aux familles des lieux de partage et de discernement à la lumière de l’Evangile pour trouver le courage de faire face à toutes ces épreuves. Il est nécessaire d’avoir aussi en amont la formation affective et sexuelle des jeunes, la préparation au mariage qui doit être renouvelée pour s’adapter aux réalités nouvelles. C’est ainsi que Kleopas a créé un service diocésain de la pastorale familiale pour repenser la manière d’annoncer la bonne nouvelle de l’amour et du mariage aux familles d’aujourd’hui.

Témoigner du Christ libérateur à ceux qui ont recours aux forces occultes

Devant les épreuves de la vie, - une maladie inexpliquée, une perte d’emploi, un accident, la mort d’un proche – les familles se sentent vulnérables et certaines sont alors tentées d’avoir recours à des pratiques superstitieuses pour chercher un soulagement. Ce qui paraissait pouvoir apporter une solution à un problème en augmente au contraire la gravité. Le recours aux forces occultes sème toujours le trouble dans l’esprit des gens et dans la vie des familles. Il en découle une grande souffrance, une angoisse qui reste souvent cachée et n’ose pas s’exprimer par honte ou par peur du qu’en dira-t-on. Les conséquences sont néfastes pour la vie de ces familles.

Ce défi missionnaire mérite d’être relevé avec toute la compassion et le discernement nécessaires.  Il s’agit d’un service que le Seigneur nous invite à rendre à des personnes qui sont démunies devant leurs souffrances. Un ministère que lui-même a accompli durant sa vie publique.

Il s’agit d’écouter longuement ces personnes et de prier avec elles pour implorer leur délivrance. Cette écoute patiente et cette prière sont nécessaires pour exercer un discernement sur la vraie cause de la souffrance. Il s’agit aussi de conduire graduellement la personne affligée à se reprendre en main pour renoncer elle-même aux pratiques troubles auxquelles elle a eu recours. C’est en se livrant au Seigneur avec confiance qu’elle sera libérée de son mal. Ce service qu’on appelle « ministère de délivrance » ne prétend pas que l’esprit mauvais est la cause de tous les maux ni que la prière de délivrance va être la solution à tous les problèmes. Certains troubles nécessitent des thérapies médicales ou psychologiques, mais d’autres sont causés par l’influence d’esprits mauvais. Pour être libérées, ces personnes doivent renoncer elles-mêmes aux esprits mauvais et choisir de faire confiance en Jésus, notre libérateur. Elles pourront le faire grâce à la prière et le soutien des sœurs et des frères qui exercent ce ministère de délivrance, au nom de Jésus et en communion avec l’Eglise.

Témoigner de l’Evangile dans la vie socio-économique

Le monde où nous vivons est très affecté par la crise écologique dont les effets se font sentir de plus en plus. Une crise n’est pas seulement source de difficultés mais aussi une opportunité pour un nouveau discernement et une créativité nouvelle. Elle interpelle les politiques qui, sous la pression des lobbies financiers et des échéances électorales rapprochées, ont beaucoup de difficulté à prendre des engagements sur le long terme et à les tenir. Et pendant ce temps, la planète continue à se réchauffer.

 

La crise écologique interpelle aussi les industriels, les entrepreneurs et les institutions financières. Beaucoup d’entre eux, et non des moindres, s’interrogent sur la viabilité à long terme du style de développement économique sur lequel nous sommes engagés. Ils se rendent compte que ce modèle de développement est de moins en moins inclusif. Tout en assurant une certaine croissance, il produit des inégalités et pas mal de chômage. Il n’arrive pas non plus à réduire suffisamment la production de gaz à effet de serre qui contribue à réchauffer la planète. Certains, y compris chez nous, commencent à proposer un changement de paradigme qui permettrait d’ouvrir de nouvelles voies de développement économique plus inclusives et plus soucieuses de protéger la viabilité de notre « maison commune ».

 

L’Eglise aussi se sent interpellée par cette crise écologique et ses répercussions politiques et économiques. Le défi missionnaire consiste à chercher de nouveaux chemins de concertation et de collaboration pour que « le développement économique ne se limite pas à produire plus de richesse, mais contribue à ce que « la vie sociale devienne un espace de fraternité, de paix et de justice pour tous »[8]. « Aujourd’hui, résonne encore avec pertinence la question que, depuis le début de la création, Dieu posait à l’homme : ‘Qu’as-tu fait de ton frère’? » (Gen.4,9).

 

Le combat écologique est un lieu de mission par excellence du troisième millénaire. L’humanité entière, menacée dans sa survie par le réchauffement climatique, est un terrain propice pour entendre une parole prophétique qui dénonce les responsabilités de l’homme dans la catastrophe écologique et annonce l’espérance de conversions nécessaires et d’actions possibles. Dites aux gens que leur vie et celle de leurs enfants est menacée, et donnez-leur une parole et des actions d’espérance, ils se mobiliseront avec vous et vous aurez une occasion d’annoncer un Evangile qui a un impact direct sur la vie.

Servir les pauvres

Au cœur de toutes ces difficultés, nous devons reconnaître que ce sont les pauvres qui souffrent davantage. Pour que l’Evangile puisse résonner au sein de toutes ces perturbations, il y a un critère fondamental : écouter le cri des pauvres. Jésus lui-même a donné une priorité claire à l’attention aux plus pauvres. Il s’est identifié à eux, il s’est fait proche d’eux.

Il nous appelle à le suivre dans cette option préférentielle pour les pauvres. Qui sont les pauvres aujourd’hui ? Je pense particulièrement aux victimes des casseurs et des trafiquants de drogue, à ceux qui souffrent en silence de différentes formes de discrimination, à tous les exclus de la société, aux enfants de rue, ceux qui n’arrivent pas à se payer un logement décent ou à trouver un travail stable, aux malades, à ceux qui sont atteints du VIH Sida et qui sont stigmatisés, aux squatters, aux prostituées, aux prisonniers… Notre pays a connu un développement certain mais les signes de prospérité cachent encore beaucoup de misères.

L’appel à se faire proche de ces frères et sœurs nous atteint tous, là où nous sommes. « Cet appel implique autant la coopération pour résoudre les causes structurelles de la pauvreté et promouvoir le développement intégral des pauvres, que les gestes simples et quotidiens de solidarité devant les misères très concrètes que nous rencontrons »[9].

Ne nous voilons pas la face : cherchons à rencontrer les pauvres comme des frères et des sœurs. Avec d’autres, inventons de nouveaux chemins de solidarité. Dès le début de l’Eglise, il y a eu un partage de biens au sein de la communauté chrétienne pour que personne ne se retrouve dans le besoin (Ac 2,47).

Nous pouvons aussi apprendre des pauvres « une mystérieuse sagesse », celle qu’ils développent en maintenant une grande dignité dans leur dénuement. Cette sagesse peut nous encourager dans la recherche d’un style de vie plus sobre au milieu de la crise écologique. L’Eglise ne peut se contenter d’organiser la charité, elle est appelée à la vivre concrètement au ras du sol.

Dialoguer avec des frères et sœurs d’autres religions

 

Nous vivons dans un pays multiculturel et multireligieux. Le défi pour l’Eglise dans cette situation pluri-religieuse est de promouvoir une culture de rencontre et de dialogue. Au sein de notre Eglise, il y a aussi plusieurs cultures qui doivent se rencontrer et dialoguer. Ce serait dommage de se croiser sans vraiment se rencontrer. Nous croyons que nous sommes tous des enfants de Dieu et donc frères et sœurs les uns des autres.

Nous croyons que Jésus Christ est venu « rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52). Nous croyons que l’Esprit du Seigneur « qui souffle où il veut » (Jn 3,8), est présent et agissant dans le cœur de chacun.

 

Dans ce dialogue, il n’est pas question d’imposer aux autres sa doctrine, sa morale ou ses pratiques religieuses. Il s’agit plus simplement de chercher à mieux se connaître et à partager mutuellement comment la foi ou les valeurs de chacun conduisent à relever les défis de la famille, de l’éducation des enfants, de la relation avec les jeunes ou de la solidarité avec les pauvres.

 

Dialoguer en vérité nous demande de respecter profondément la liberté de ceux et celles que nous rencontrons. Mais le respect de la liberté ne nous oblige pas à cacher notre foi. Au contraire, c’est la vérité qui nous rend libres. De fait, après avoir pris la peine de s’écouter mutuellement, le moment vient où nous serons conduits à témoigner de notre foi en Jésus Christ et à partager notre bonheur de nous savoir aimés et sauvés par lui. Comme le dit si bien le Pape François, « tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme mais par attraction »[10].

 

Ces rencontres et ces dialogues, quand ils sont vécus dans la sincérité et le respect mutuel, deviennent des ferments de paix et de fraternité au sein d’une société. Le pape François lors de son discours à Abu Dhabi affirmait qu’« il n’y a pas d’alternative : ou bien nous construisons ensemble l’avenir ou bien il n’y aura pas de futur. Les religions ne peuvent renoncer à la tâche urgente de construire des ponts entre les peuples et les cultures. Le temps est arrivé où les religions doivent se dépenser plus activement avec courage et audace, sans artifice, pour aider la famille humaine à mûrir la capacité de réconciliation, la vision d’espérance et les itinéraires concrets de paix[11] ».

Chapitre 4

Former des disciples-missionnaires

Interpellée par tous ces défis missionnaires, l’Eglise ne peut rester sourde aux appels répétés de Jésus : « Allez, faites des disciples » (Mt 28,19), « Vous serez mes témoins » (Lc 24,48), « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mc 6,37), « Pousse vers le large et jette les filets » (Lc 5,4), « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8). Le Pape François ne cesse de faire résonner ces appels.

Pour l’Eglise, être en « état permanent de mission », c’est ne pas se contenter de faire de ses fidèles de « bons pratiquants » mais de les préparer à devenir « des disciples-missionnaires ». Cela comporte certaines exigences : avoir une vie de prière authentique, développer une culture de l’appel, se former à l’école du Christ pour être envoyé en mission.

Je voudrais m’adresser ici, en particulier, à ceux qui ont reçu une responsabilité spécifique en fonction de leur vocation. Je pense à mes frères prêtres, aux diacres, aux religieux, religieuses, aux laïcs engagés, à ceux qui exercent un ministère dans notre Eglise.

Une vie de prière authentique

La tâche de l’évangélisation est un challenge. Nous pouvons vite être découragés mais n’oublions pas que c’est l’Esprit qui est l’acteur principal de la mission. C’est lui qui nous pousse à aller de l’avant ; sans lui, nous ne sommes rien ; c’est pour cela que Jésus insistait pour que nous demandions l’Esprit Saint (Luc 11,13).

Les Actes des Apôtres nous racontent comment dans les premières communautés chrétiennes, au fur et à mesure qu’un besoin missionnaire se faisait sentir c’est toute la communauté qui se réunit pour prier et chercher ensemble comment répondre à ce nouveau besoin. Ils sont tellement convaincus que c’est l’Esprit qui est le premier acteur de la mission, qu’à chaque nouvelle étape, ils se mettent à l’écoute de l’Esprit pour savoir comment aborder un nouveau défi.

Cette année missionnaire est l’occasion pour nous de revoir la qualité de notre prière. Sommes-nous suffisamment ouverts à l’Esprit Saint ? Demandons-nous son assistance lorsque nous avons des décisions à prendre dans notre couple, dans notre famille, dans nos engagements sociaux et politiques ? Plusieurs groupes invoquent l’Esprit Saint au début de leurs rencontres, témoignant ainsi qu’ils veulent placer leur engagement sous l’impulsion de l’Esprit. Voilà une bonne attitude. Mais il ne suffit pas de l’invoquer lors de nos réunions ; nous avons besoin d’être initiés à une authentique vie dans l’Esprit. C’est le but des différents parcours qui conduisent les chrétiens à demander le baptême dans l’Esprit. En retrouvant la grâce de notre baptême, nous retrouvons notre vocation missionnaire.

Je suis reconnaissant envers toutes les personnes qui intercèdent discrètement et dans le silence pour que notre Eglise soit fidèle à sa mission. Prier, c’est aussi participer à la mission, comme la petite Thérèse de Lisieux, qui, tout en demeurant dans le silence du Carmel, est devenue la patronne des missions.

Appeler

Quand Jésus avait de grandes décisions à prendre, il se retirait seul et priait. Par exemple, avant d’appeler les 12, il passe toute la nuit à prier dans la montagne. Ce qui suggère que, pour nous aussi aujourd’hui, la prière doit aller de pair avec une culture de l’appel.

Quand Jésus appelle les 4 premiers disciples : Simon, André, Jacques et Jean, il les appelle pour être ses compagnons dans la mission : « Venez à ma suite, » leur dit-il, « et je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Mt 4,19). Jésus appelle à la fois pour être son disciple et pour être missionnaire. Le but de l’appel est clair : partager sa vie de missionnaire itinérant.

De même aujourd’hui, l’Esprit nous pousse à faire découvrir à chaque chrétien que l’appel qu’il a reçu au baptême, c’est un appel à devenir un disciple-missionnaire. « L’engagement missionnaire n’est pas quelque chose qu’on va ajouter à la vie chrétienne, comme s’il s’agissait d’un ornement, mais au contraire, il est situé au cœur de la foi même : la relation avec le Seigneur implique le fait d’être envoyé dans le monde comme prophète de sa parole et témoin de son amour[12]".

Appeler ne consiste pas à confier à quelqu’un certaines tâches pour faire marcher une paroisse, un mouvement ou un service. Appeler c’est inviter à la joie de suivre le Christ comme un ami qui m’a sauvé et être associé à sa mission. Appeler c’est inviter à devenir des disciples de Jésus, tellement heureux de l’être qu’ils veulent à tout prix partager leur bonheur avec d’autres.

Au fond, ce qui donne sens à ma vie, c’est de découvrir le bonheur d’être appelé par Jésus, réaliser qu’il a pensé à moi, qu’il est venu me chercher malgré mes faiblesses. En répondant avec confiance à cet appel, nous découvrons la joie de servir comme lui. Vraiment, appeler pour une mission peut sauver une personne.

Appeler à travers la communauté

C’est à travers la communauté chrétienne que l’appel du Seigneur se transmet et que chacun est envoyé en mission.

Par exemple, quand, dans l’Eglise de Jérusalem, il y a eu certains qui se sentaient négligés par rapport à d’autres, dans la distribution de vivres aux pauvres, c’est « toute l’assemblée » qui se réunit avec les apôtres. Ensemble ils décident de créer un nouveau ministère, les diacres pour s’occuper du service des pauvres. Ainsi, les apôtres seront plus disponibles pour se consacrer au service de la Parole. C’est la communauté qui alors choisit et appelle 7 hommes pour cette mission (Ac 6,1-6).

Ou encore lorsque des chrétiens, fuyant la persécution à Jérusalem, viennent s’installer à Antioche, beaucoup de gens sont attirés par le témoignage qu’ils portent au Christ Ressuscité. Or, à Antioche, il manque de catéchètes pour instruire les nouveaux chrétiens. Alors Barnabé, qui avait été envoyé lui-même par les apôtres pour évaluer la situation, va chercher Paul, qui se trouvait à Tarse et l’appelle à venir participer à la mission à Antioche (Ac 11,19-26). L’appel du Seigneur à Paul passe par la communauté d’Antioche.

Aujourd’hui dans les paroisses, dans les communautés ou autres organismes d’Eglise, il arrive souvent que des personnes se proposent pour tel ou tel service. Autant il est important d’accueillir ces personnes fraternellement et avec reconnaissance, autant il est aussi vital de les aider à découvrir l’appel profond de leur baptême, afin que leur désir de servir soit ancré solidement dans l’appel premier qu’ils ont reçu et qui donne sens à leur vie. La mission de chacun n’est pas celle qu’il choisit mais celle qu’il reçoit.

Former pour communiquer l’évangile

Jésus a prié, Jésus a appelé mais il a aussi pris le temps d’enseigner. C’était sa façon à lui de former ses disciples. Aujourd’hui, la formation est incontournable si nous voulons d’une Eglise véritablement missionnaire.

La formation de disciples-missionnaires peut prendre des formes diverses, mais l’expérience montre qu’elle gagne toujours à s’étaler sur 3 étapes majeures :

  1. Une première étape vise à initier à une foi personnelle en Jésus qui a donné sa vie pour nous et qui est ressuscité pour nous. Qui dit « initiation à la foi » ne dit pas acquérir un savoir, mais avant tout entrer dans une relation personnelle avec Jésus et commencer à cheminer avec lui. On peut donner des renseignements sur quelqu’un même si on ne le connaît pas personnellement. Mais pour témoigner de quelqu’un, il faut l’avoir fréquenté, avoir appris à l’apprécier et à l’aimer. Or, la mission ce n’est pas donner des renseignements sur Jésus mais chercher à le faire aimer.

 

  1. Une deuxième étape vise à accompagner la maturation de la foi de ceux et celles qui se sont mis en marche à la suite de Jésus. Il s’agit alors d’apprendre, dans les situations complexes de la vie, à travers une lecture priante des Ecritures, ce que le Seigneur leur demande.

 

  1. Enfin, une troisième étape de la formation a pour objectif de nous ouvrir à la dimension missionnaire de la vie chrétienne ; c’est le but de la formation missionnaire qui se déroule actuellement dans les régions pastorales de notre diocèse.

 

Envoyer

Dans nos paroisses, nous avons l’habitude de confier différentes missions à des laïcs ou à des religieux de manière un peu informelle, quelquefois sans limite dans le temps, sans trop préciser non plus la nature des responsabilités confiées. Cela ne valorise pas suffisamment la personne qui reçoit la mission, ni la mission elle-même qui lui est confiée, ni son importance pour la vie de la communauté.

Avant d’envoyer en mission, il faut bien sûr discerner avec soin qui appeler, quelle mission lui confier et comment l’y préparer. Nous le faisons avec méthode lorsqu’il s’agit de prêtres et de diacres. Le moment venu, nous annonçons et célébrons cet envoi en mission avec une certaine solennité. Ne pourrions-nous pas élaborer de bonnes pratiques d’envoi en mission pour des laïcs ou des religieux/ses à qui nous confions une responsabilité sur une paroisse ou dans un service diocésain ?

Par exemple, confier des mandats limités dans le temps, tout en restant ouvert bien sûr à la possibilité de renouveler les mandats. Ou encore, au cours d’une célébration en début d’année pastorale, on pourrait aussi envoyer en mission tous ceux et celles qui, dans une paroisse, auraient été appelés et déjà préparés pour divers ministères, comme la visite aux malades, donner la communion, la catéchèse, le service des pauvres, l’animation liturgique, etc. Au cours de la célébration, ils seraient confiés à la prière et au soutien fraternel de la communauté.

L’un ou l’autre responsable qui aurait été envoyé pourrait en cours d’année demander pendant la messe la prière de la communauté pour un aspect particulièrement difficile de sa mission.

A la fin de l’année, lors d’une réunion spéciale du Conseil Paroissial, on pourrait aussi inviter certains à rendre compte de leur mission. Ceci dans le but de discerner comment continuer la route et d’inviter toute la communauté à porter ensemble la mission.

On pourrait inventer encore d’autres façons de faire. Mais l’important, c’est que chaque personne à qui une mission est confiée se sente soutenue par la prière de la communauté et responsable de rendre compte de sa mission à la communauté qui l’a envoyée.

Conclusion

Beaucoup a déjà été fait dans notre Eglise pour répondre à l’appel de la mission. Mais laissons-nous interpeller par l’Esprit qui nous invite à aller toujours plus loin, à sortir pour répondre aux nouveaux défis de la mission aujourd’hui.

Prenons le temps de réfléchir et de discerner ensemble si nous sommes une Eglise en bonne santé missionnaire. Suis-je conscient que mon baptême a une portée missionnaire ? Comment puis-je devenir un disciple-missionnaire ? Les paroisses, les mouvements, les services, les communautés religieuses sont aussi appelés à se poser les mêmes questions : s’intéressent-ils à eux-mêmes ou bien prennent-ils le temps de s’intéresser aux autres qui sont éloignés ? Sommes-nous une Eglise en sortie ? Nous sommes appelés à annoncer Jésus Christ, à témoigner de lui.

Prenons le temps cette année de nous poser ces questions et de discerner sur quels points concrets le Seigneur nous invite à une conversion missionnaire.

Qu’avons-nous fait de l’héritage du Père Laval ? Nous connaissons l’unique photo qu’il a laissée de lui, debout, nous montrant la croix du Christ. La mission a été pour lui une passion pour le Christ mais aussi une passion pour le peuple mauricien. Il nous montre la croix pour nous inviter à nous arrêter devant Jésus crucifié et reconnaître son amour qui nous rend dignes et nous soutient. Mais en même temps, il nous invite à percevoir dans ce regard de Jésus une grande affection, vers tout le peuple mauricien[13]. Jésus veut se servir de nous pour être proche de son peuple bien aimé.

A l’époque du Père Laval, il y avait de grands défis missionnaires à Maurice. Quand il a débarqué, il devait se sentir bien démuni devant la tâche immense qui lui était confiée. Mais il a commencé simplement en accueillant les gens et en les écoutant. Chaque soir, à la Cathédrale, de 19h à 21h, il leur annonçait le Christ en utilisant le langage des pauvres. Au fur et à mesure qu’ils étaient touchés et se convertissaient, il les envoyait en mission et ce sont ces laïcs missionnaires qui ont évangélisé tous les quartiers de Port-Louis. Peu à peu, ils ont été envoyés plus loin, à Petite-Rivière, Montagne Longue, et plus tard à Mahébourg, à Souillac, à Flacq.

Nous aussi, nous sommes des disciples-missionnaires que Jésus a choisis et envoie aujourd’hui dans les réalités mauriciennes. Nous sommes appelés à poser des gestes simples pour partager notre foi et rendre compte de l’espérance qui nous anime.

Sortons de nos habitudes, de notre zone de confort pour annoncer le Christ ! Il y va de notre responsabilité baptismale car au soir de notre vie, lorsque nous nous présenterons devant le Seigneur, il nous interpellera sur notre engagement missionnaire : « Mon ami, qu’as-tu fait de ton baptême ? ».

 

Cardinal Maurice E. Piat

Evêque de Port-Louis

 

[1] Evangelii Gaudium, no 25

[2] Evangelii Gaudium, no 20

[3] Evangelii Gaudium, no 15

[4] Evangelii Gaudium, no. 20

[5] Evangelii Gaudium 120

[6] Evangelii Gaudium, no 49

[7] Note : « Vos fils et vos filles deviendront prophètes » de Heriberto Cabrera-Reyes, p. 8

[8] Evangelii Gaudium, no 180

[9] Evangelii Gaudium, no. 188

[10] Evangelii Gaudium, no. 14

[11] https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2019-02/pape-francois-abou-dhabi-discours-rencontre-interreligieux.html

[12] Message du Pape François pour la Journée Mondiale de prière pour les Vocations 2017

[13] Evangelii Gaudium, no 128

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