Solange s’en est allée dans son grand âge, tout en restant une battante jusqu’au bout. Elle a mené le bon combat sans compromis, avec une persévérance peu commune, cherchant toujours à réfléchir sa foi et à l’exprimer de telle manière qu’elle puisse être entendue, encourageant les uns, interpellant les autres, éduquant, écrivant, prenant position. Elle était, comme disait Montaigne, « une droite balle ».
La grande profession de foi de Job que nous avons entendue aurait pu être la sienne : car son combat, ses nombreux combats étaient animés par une grande foi, une foi qu’elle embrassait avec passion, et qui lui donnait toute son énergie.
En cela, Solange, de part sa manière d’être et son engagement a été vraiment prophète, un prophète qui dérangeait souvent mais qui néanmoins poussait à réfléchir sur des points essentiels. J’en retiens deux en particulier :
- Dans toutes les formations qu’elle donnait (pour les catéchètes du lycée, et dans bien d’autres interventions) elle cherchait à pousser ses élèves à réfléchir pour eux-mêmes et à ne pas se contenter de répéter des formules qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes.
Beaucoup de jeunes et moins jeunes ont souvent témoigné que c’était grâce à Solange qu’ils ont pu accéder à une foi adulte. Une foi qui ne se contente pas de répéter des formules mais une foi qui naît d’une rencontre personnelle avec le Christ, une foi qui se laisse toucher au cœur, qui bouleverse sa vie, qui l’éclaire d’une lumière nouvelle, et qui donne la joie de marcher sur les chemins de l’Evangile.
Pour elle, cette conviction devrait motiver et orienter les homélies comme toute prise de parole qui cherche à exposer la foi chrétienne. Solange croyait fermement en la possibilité de chacun, peu importe son niveau d’éducation, à accéder à ce genre de foi adulte qui remet l’homme debout et responsable ; et elle s’est employée de tout son cœur dans ce service.
- Un autre aspect du prophétisme de Solange, a été son combat acharné contre le cléricalisme – i.e., contre le « trop » de pouvoir exercé par les prêtres/évêques dans l’Eglise. Solange me l’a fait remarquer je ne sais combien de fois et j’avoue que même si je ne pouvais pas toujours réagir à la hauteur de ses attentes, elle avait raison au fond.
Aujourd’hui le Pape François lui-même a ciblé le cléricalisme comme étant une des sources de beaucoup d’abus dans l’Eglise. Et le Synode en cours actuellement dans l’Eglise nous invite à lutter contre le cléricalisme non plus en l’attaquant de front, mais en cherchant à « marcher ensemble » en assumant ensemble la responsabilité de la vie et de la mission de l’Eglise.
Ce côté prophète chez Solange a été sa manière de prendre à cœur les droits et les besoins des petits et des pauvres qui n’ont pas souvent la capacité ou l’occasion de faire entendre leur voix. Elle a été non seulement leur portevoix en quelque sorte mais aussi en contribuant à leur donner la capacité de se remettre debout et de parler pour eux-mêmes.
Ce rôle Solange l’a aussi exercé dans le domaine civil et citoyen. Elle s’employait dans des articles de journal à relever les injustices ou les négligences administratives à la source de beaucoup de souffrance chez les pauvres.
Merci Solange pour être restée toujours droite et franche comme une droite balle, merci pour ton engagement pour l’Eglise comme pour le pays. Dieu veuille que nous ayons l’humilité nécessaire pour ne pas nous laisser arrêter par ton style souvent tranchant, afin de découvrir les belles facettes du témoignage de foi que tu nous as légué.