L’Eglise à Rodrigues est en fête ces jours-ci avec la célébration du 20eme anniversaire du Vicariat Apostolique et un des temps forts de cet événement est la messe en la Cathédrale Saint-Gabriel ce jeudi 8 décembre en présence du Cardinal Maurice Piat.
Benoît Jolicoeur, laïc engagé au sein de l’Eglise à Rodrigues depuis qu’il est très jeune et responsable de la communication du Vicariat Apostolique, partage son analyse de ce parcours de 20 ans et fait part des nouvelles priorités, voire des nouveaux défis à relever.
Benoit Jolicoeur met en exergue une des principales caractéristiques de l’Eglise rodriguaise qui, selon lui , fait son originalité : l’engagement remarquable des laïcs tant au niveau pastoral que dans les structures d’organisation. Il s’agit là de la force de cette Eglise qui « apporte du goût à la société Rodriguaise ». On comprend mieux alors l’insistance de notre interlocuteur sur le besoin de «préserver cette originalité »
Q-Outre d’être un laïc engagé, vous êtes aussi un bon observateur de la vie de l’Eglise à Rodrigues ; quel regard portez-vous sur ces 20 ans de Vicariat Apostolique ?
Avant de faire le bilan et pour mieux comprendre ce que nous avons vécu depuis la création du Vicariat Apostolique en 2002, il est nécessaire de rappeler les raisons ayant motivé la décision du Vatican d’accorder ce statut à l’Eglise à Rodrigues. C’est une Eglise avec un style qui lui est propre : sa manière de vivre, de fonctionner et d’exercer sa mission est originale.
Il y a chez nous une longue tradition d’engagement des laïcs dans le service d’animation et dans les structures de gestion de l’Église. Au nom de leur foi, les chrétiens participent activement dans la transformation de la société rodriguaise. En fait, le Vatican a repondu positivement à un souhait des fidèles pour un Vicariat apostolique qui mettrait en valeur l’originalité de l’Eglise à Rodrigues au sein de l’Église universelle.
Sous l’impulsion de Mgr Alain Harel qui a été le premier évêque de Rodrigues, l’Église a poursuivi la route dans la même direction. D’ailleurs la devise choisie par Mgr Harel en 2002 - « Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde » - témoigne de cette volonté de construire une Église qui apporte de la saveur et donne du goût à la société rodriguaise. A travers les lettres pastorales et l’action des chrétiens, l’Église a apporté sa contribution pour construire une société plus juste et plus fraternelle à Rodrigues.
Durant ces 20 ans il y a eu aussi la création des nouvelles paroisses et la construction de nouvelles chapelles pour permettre à la Parole de Dieu de rejoindre les gens dans leurs lieux de vie et dans leurs activités quotidiennes et par la-même devenir davantage une Eglise de proximité.
Q- Dans une société en pleine évolution sociale et culturelle, quels sont les nouveaux défis pour l’Eglise à Rodrigues et selon vous comment y répondre?
Nous avons le devoir de préserver cette originalité de l’Eglise Rodriguaise pour continuer à apporter « la saveur rodriguais » à l’annonce de l’Évangile. Justement un des grands défis est comment garder cette originalité avec une foi incarnée dans la réalité. Et je crois aussi que cette manière de vivre la foi doit être transmise à la jeune génération.
J’avoue que ce n’est pas toujours facile de nos jours car la vie n’est plus comme avant. Nous devons faire preuve de créativité pour rejoindre les jeunes Rodriguais dans ce qui fait leur vie quotidienne et les encourager à participer à leur manière à la vie de l’Eglise.
Q-Peut-on connaitre les structures de fonctionnement du vicariat apostolique ?
La création d’un conseil épiscopal par Mgr Alain Harel est l’instance principale dans la gestion de l’Eglise. Ce conseil, composé de prêtres, de religieuses et de laïcs œuvrant dans différents domaines, a permis une vraie et belle collaboration entre toutes ces personnes. Les laïcs ont toujours eu une part active dans la réflexion au sein du Vicariat et surtout dans la prise de décisions.
Pour toucher les différents domaines de la vie des Rodriguais, nous avons créé des commissions ayant chacune la responsabilité des dossiers spécifiques, notamment pour la famille, la catéchèse, l’inculturation. Le Vicariat Apostolique n’a pas négligé aussi la communication, essentielle dans le monde aujourd’hui. C’est ainsi qu’on a mis en place une cellule de communication qui a donné une visibilité au travail de l’Eglise au sein de la société rodriguaise.
Croyez-moi l’avènement du Vicariat apostolique a permis aux fidèles ces vingt dernières années de faire une vraie expérience de « marcher ensemble », et nous allions déjà dans la démarche synodale ! C’est donc avec une grande fierté et beaucoup de joie dans le cœur que nous célébrons ces 20 ans du Vicariat.
*Justement de quelle manière le Vicariat marque ce 20eme anniversaire ?
Le Vicariat a mis en place un comité pour préparer le programme de célébration ayant pour thème « Kot nou sorti , kot nou été e kot nou pe ale ».. La messe d’action de grâces prévue dans l’après-midi du 8 décembre en la Cathédrale Saint-Gabriel, présidée par le Cardinal Piat, a été certainement le temps fort de cet anniversaire.
L’évêque de Port-Louis est chez nous pendant trois jours et il ne faut pas oublier que c’est lui qui a adressé en 2001 la demande des Rodriguais à Rome pour la création d’un vicariat apostolique et nous lui sommes très reconnaissants. Les chorales des cinq paroisses de l’ile se sont mises ensemble pour animer cette messe. Nous avons invité aussi Mgr Alain Harel à cet anniversaire mais il ne pourra faire le déplacement en raison des activités durant ce temps de l’Avent aux Seychelles.
C’est aussi l’occasion de faire le bilan du chemin parcouru ensemble et les forces vives de l’Eglise ont fait cet exercice lors d’une assemblée pastorale spéciale le vendredi 2 décembre convoquée par le Père Luc René, l’Administrateur apostolique.
Il faut continuer à avancer ensemble et les forces vives ont dit aussi leurs rêves pour l’avenir et ont fait part des propositions. Je relève un point sur lequel les participants ont insisté ce jour-là : que l’Eglise de Rodrigues continue à être au service de la société rodriguaise!.
Nous continuerons la réflexion le vendredi 9 décembre au Centre Carrefour en présence du Cardinal Piat. Lors de cette prochaine rencontre nous allons voir comment le concile Vatican II a façonné l’Eglise à Rodrigues.
La joie de fêter cet anniversaire est là mais il ne faut pas passer sous silence cette attente des Rodriguais de la nomination d’un nouvel évêque depuis le départ de Mgr Harel en octobre 2020.
Hors Texte
Une Eglise imprégnée de la culture rodriguaise
L’Eglise à Rodrigues s’est toujours distinguée par la forte participation des laïcs à différents niveaux et par l’intégration de la culture rodriguaise dans les célébrations. Deux atouts mis en lumière lors de la visite de Jean-Paul II dans l’ile en octobre 1989, et que les fidèles ont constamment renforcés au fil des années pour être une Eglise toujours dynamique et pour répondre aux besoins de la population.
Et c’est bien cette particularité de l’Eglise rodriguaise qui a convaincu la Vatican dans sa décision de la faire fonctionner indépendamment du diocèse de Port Louis en lui accordant en octobre 2002 le statut de Vicariat Apostolique. Pour la petite note historique, il est bon de savoir que les chrétiens de Rodrigues ont à deux reprises fait une demande officielle pour la création d’un vicariat : en 1997 lors de la visite du Cardinal Tomko et lors de la remise du document synodal à Mgr Maurice Piat le 15 août 2000.
Cette décision du Vatican qui va dans le même sens de l’esprit de l’autonomie administrative de l’ile, a permis ainsi à l’Eglise à Rodrigues d’ajouter un nouveau chapitre à son histoire et de relever par là-même des nouveaux défis. Et Alain Harel, choisi par Rome pour être le premier évêque de Rodrigues, fut ordonné à cette fonction le 2 décembre 2002 sur le parvis de la Cathédrale Saint-Gabriel, sous les applaudissements de la foule.
Ce dernier est considéré par les Rodriguais comme « zenfan lakaz » car ayant servi l’Eglise à Rodrigues pendant une trentaine d’années, d’abord comme prêtre et ensuite comme chef de l’Eglise pendant dix-huit ans. En septembre 2020 il a été nommé évêque à Port Victoria aux Seychelles. « L’Eglise qui se trouve à Rodrigues a été ma famille et l’école de ma foi durant ces années. Vous avez la capacité, avec la force de l’Esprit Saint, de faire vivre l’Evangile dans cette belle culture rodriguaise confrontée, comme toutes les cultures, à de si nombreux défis », a dit Mgr Harel dans son message de départ aux Rodriguais. Et depuis octobre 2020, les fidèles dans l’ile attendent l’arrivée d’un nouvel évêque …