Homélie du Cardinal Piat à l'ordination épiscopale de Mgr Moura

C’est aujourd’hui un jour de fête, un jour de grande joie pour Rodrigues, un jour longuement attendu. Je vous remercie de m’inviter à participer à votre joie et à votre action de grâce pour votre nouvel évêque.

 

Je n’oublie pas que, en tant qu’ancien évêque de Port-Louis, j’ai été votre pasteur pendant environ 7 ans. Nous avons vécu ensemble le synode de 1997-2000 où la voix de Rodrigues a été entendue à travers de belles contributions sur la pastorale d’ensemble et l’inculturation.

 

A la même époque, les chrétiens de Rodrigues avaient bien retenu l’appel du Pape St Jean Paul II en 1984, « Rodrigues dibout lor to de lipie » ; et ils n’ont pas tardé à se mettre debout pour demander au Pape de donner à l’Eglise de Rodrigues un statut canonique reconnu dans l’Eglise Universelle. C’est ainsi que le 8 décembre 2002 j’ai été témoin, ici même, de l’accession de l’Eglise à Rodrigues au statut de Vicariat Apostolique, et que j’ai participé le même jour à l’ordination épiscopale de Mgr Alain Harel, le premier Vicaire Apostolique de Rodrigues.

 

Ces 22 dernières années, l’Eglise de Rodrigues a fait un beau chemin sous la houlette de Mgr Harel, et a su prendre sa place au sein de la CEDOI qui s’en trouve enrichie.

 

Et voilà qu’aujourd’hui Rodrigues est appelée à vivre un autre passage important en accueillant son nouveau Pasteur, Mgr Michel Moura. Votre évêque, c’est le Pape François qui l’a nommé, mais c’est le Seigneur qui vous le donne dans sa grande tendresse pour le peuple de Rodrigues. Disons notre reconnaissance au St Père et laissons monter une grande action de grâce au Seigneur. Je voudrais au passage remercier aussi le Père Jean-Maurice Labour et le Père Luc René Yong qui ont, l’un après l’autre, accompagné l’Eglise de Rodrigues pendant cette transition et cette longue attente, pas toujours facile à vivre.

 

Aujourd’hui l’Evangile nous présente St Joseph dans un certain désarroi : ayant appris que Marie, sa fiancée, était tombée enceinte avant qu’ils aient habité ensemble, il avait décidé de la renvoyer en secret. Or, voilà que l’Ange du Seigneur lui demande au contraire de prendre chez lui Marie et de la protéger, « Joseph, Fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint… c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ». Et Joseph qui était un « homme juste », accepte de « casser son programme », de faire confiance au Seigneur et de prendre la charge de l’enfant Jésus comme s’il était son enfant. C’est grâce à l’obéissance de Joseph, son humilité et à son sens du service, que Marie a pu mettre au monde, nourrir et élever Celui qui devait sauver son peuple de ses péchés.

 

Aujourd’hui, comme Joseph, toi aussi Michel « ne crains pas de prendre la charge de l’Eglise qui est à Rodrigues. C’est le Seigneur qui te la confie ». Peut-être, toi aussi tu avais déjà fait des plans pour la paroisse du St Esprit, Bel Air à Maurice. Et le Seigneur te demande de casser ton programme, d’abandonner les plans que tu avais faits. Comme Joseph, l’homme juste, fais confiance au Seigneur car l’Esprit Saint qui a fait naître Jésus dans le sein de Marie est le même Esprit qui a fait naître l’Eglise à Rodrigues ; c’est l’Esprit qui donne au peuple de Rodrigues de croire en Jésus, et lui donne le courage de témoigner de l’Evangile dans la société rodriguaise. Apprends à la connaître, cette Eglise qui est à Rodrigues, à l’aimer telle qu’elle est, dans toute son originalité, avec ses préoccupations et ses espoirs, ses joies et ses souffrances, son élan missionnaire. Sois patient avec ses défauts, et tu découvriras, cachés derrière ses faiblesses les trésors d’une humanité généreuse et d’une foi profonde.

 

Fais confiance à l’Esprit qui habite le peuple rodriguais et écoute avec les Rodriguais, ce que l’Esprit dit à l’Eglise qui est à Rodrigues. Fais route avec elle : marche avec elle. A certains moments tu devras marcher au milieu du troupeau pour pouvoir écouter le peuple, participer à sa vie ; mais à d’autres moments, il te faudra marcher derrière le troupeau, pour soutenir les plus faibles et veiller à ce que personne ne soit laissé sur le bord de la route ; à d’autres moments encore il te faudra marcher devant pour indiquer la direction à prendre, aider à tenir le cap, et donner du courage à ceux qui hésitent.

 

Tout cela n’est pas simplement une question technique de management. Car être pasteur selon le cœur de Dieu, ce n’est pas un métier, c’est une histoire d’amour. Une histoire qui a commencé quand un jour Jésus t’a dit, comme à Pierre, « Michel m’aimes-tu ? » Et quand tu as répondu « oui », il a ajouté « prends soin de mes brebis ». Le peuple de Rodrigues, ce sont les brebis de Jésus, celles qu’il te confie aujourd’hui. Pour elles, Jésus a donné sa vie et il t’invite à partager sa passion pour ses brebis, à donner ta vie toi aussi pour que les brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance.

 

Comme Jésus, accompagne-les avec la même patience, mets ton tablier et laves leur les pieds, nourris les de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie. Soutiens les quand elles trébuchent, soignes les quand elles se blessent, pars à leur recherche quand elles sont perdues ; relèves les quand elles n’en peuvent plus, ranime en elles l’espérance. Ecoute-les aussi. Elles ont beaucoup de choses à te dire et de sagesse à partager. Être pasteur, c’est vraiment une histoire d’amour, c’est aimer les brebis comme Jésus les a aimées avec tendresse et une grande patience

 

Chers frères et sœurs, vous qui êtes le Peuple de Dieu à Rodrigues, vous accueillez déjà votre nouvel évêque avec joie. Accueillez-le aussi avec confiance.

 

Vous, les prêtres du Vicariat, vous êtes les premiers collaborateurs de votre nouvel évêque. Votre lien avec lui dans le sacerdoce est fort et profond. Et ce lien sera vivant et fécond quand vous adopterez ensemble avec lui cette manière d’être serviteur et de prendre soin des brebis, dont Jésus nous a donné l’exemple. Autant votre évêque est appelé à être pour vous un père, autant vous, prêtres, êtes appelés à vous rendre disponibles à votre évêque, comme de loyaux collaborateurs, dans une obéissance responsable.

 

Vous, les laïcs, les religieuses et les prêtres, vous avez déjà une certaine tradition synodale à Rodrigues. Profitez de l’arrivée de votre nouvel évêque pour prendre résolument le chemin de la synodalité que le Pape François recommande à l’ensemble de l’Eglise. Saisissez l’occasion pour approfondir la spiritualité qui soutient cette manière de marcher ensemble et lui donne sa force ; exercez-vous à tous les niveaux de la vie de l’Eglise à cette écoute les uns des autres pour chercher à entendre ce que l’Esprit dit à l’Eglise de Rodrigues aujourd’hui.

 

Vous avez aussi à Rodrigues une belle tradition missionnaire où des hommes et des femmes, des adultes, des jeunes, des enfants, cherchent chacun à son niveau, en petit groupe, comment ils peuvent être ensemble « sel de la terre et lumière du monde », dans les réalités concrètes de la vie. Une joyeuse créativité a ainsi été déployée, et vous devenez peu à peu des artisans d’une belle inculturation de la foi dans la société rodriguaise.

 

Dans la perspective synodale, tous les baptisés sont appelés à être coresponsables dans la mission de l’Eglise. Depuis notre baptême nous avons reçu chacun cette vocation missionnaire. Le chemin de la mission est souvent difficile, c’est un chemin montant. Et chacun a besoin de l’encouragement et du soutien des autres, pour que tous puissent avancer et marcher ensemble. Mettons-nous ensemble, avançons ensemble, et c’est alors que nous découvrons cette vitalité fraternelle et cette joie de partager gratuitement ce que nous avons reçu gratuitement.

 

Votre évêque n’est pas un surhomme. Il ne peut pas faire des miracles. Il vient plus simplement comme un pasteur qui rejoint le troupeau là où il est rendu sur son chemin. Il a besoin de vous, comme vous avez besoin de lui, pour discerner quelle direction prendre et comment avancer ensemble.

 

Prenez patience avec lui, comme lui-même devra prendre patience avec vous ; car nous sommes tous pécheurs, et quand on marche ensemble, il peut arriver qu’on s’écrase les pieds les uns les autres de temps en temps. La patience ne veut pas dire « accepter à cause qu’y à faire ». Non, la patience est une vertu dynamique qui se nourrit d’humilité, de bon sens et de beaucoup d’humour ; elle nous apprend à ne pas trop nous prendre au sérieux, à nous accepter les uns les autres avec nos limites et à continuer le chemin avec ceux et celles que le Seigneur nous a donnés comme compagnon de route. La patience est la vertu par excellence du pèlerin, i.e., de l’homme ou de la femme du chemin ; la vertu de ceux et celles qui savent qu’ils ne sont jamais « arrivés », et que le Seigneur les appelle toujours à repartir, dans l’espérance. Vous avez un beau chemin à faire ensemble, à la suite du Seigneur à Rodrigues.

 

J’ai confiance que cette nouvelle étape qui s’ouvre devant vous aujourd’hui sera aussi belle, et portera autant de fruits que chacune des étapes précédentes du chemin que le peuple de Rodrigues a fait à la suite du Christ ; depuis les débuts de son histoire, avec le Père François Thévaux, ou avec le Père Ronald Gandy, et avec de grandes figures de laïcs et de religieuses comme Mlle Antoinette Prudence, Sœur Désirée, Fille de Marie, Ignace Perrine. Soyez confiants parce que vous n’êtes pas seuls. N’ayez pas peur. Le Seigneur est avec vous. C’est lui qui vous conduit.

 

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