Frères et Sœurs.
Pour son 35e anniversaire, la Commission Diocésaine du Tourisme est heureuse de vous accueillir tous et de rendre grâce à Dieu pour cette collaboration fraternelle qui nous a permis pendant 35 ans de célébrer ensemble la Journée Mondiale du Tourisme. Nous le faisons en lien avec la Commission Pontificale pour les Migrations et le Tourisme au Vatican, laquelle Commission nous envoie chaque année un message du Pape François. Nous avons pu célébrer cette Journée mondiale du Tourisme dans tous les coins du pays et aujourd’hui nous remercions Rogers et Beachcomber de nous donner l’occasion de la faire dans ce lieu historique de Bel Ombre d’où partaient au siècle dernier les voiliers chargés du sucre à être transporté à Port Louis afin d’être vendu sur le marché mondial.
1. De l’Industrie Sucrière au Tourisme.
Ce rappel des voiliers transportant le sucre nous conduit naturellement à reconnaitre l’esprit créatif de la compagnie Rogers qui a su transformer, sur ce site de Bel Ombre, l’Industrie Cannière pour en faire un lieu privilégié du Tourisme Mauricien. Cela me donne l’occasion aussi de rappeler que Rogers fut à l’origine de ce qui allait devenir l’Industrie du Tourisme à travers la vision d’Amédée Maingard qui à son retour de la 2e guerre mondiale où il s’était distingué dans les Forces Françaises Libres a eu la vision qui nous a conduit aujourd’hui jusqu’à ce point où nous recevons plus d’un million de touristes par an.
Amédée Maingard, faut-il le rappeler, a commencé avec le soutien de Sir Seewoosagur Ramgoolam, alors Premier Ministre, à construire un petit bungalow au Morne Brabant en rêvant du premier hôtel susceptible d’accueillir des touristes. Comme la plupart des prophètes, Maingard a été la risée des grands hommes d’affaires de son temps qui étaient obnubilés par une économie fondée uniquement sur le sucre. Mais Maingard ne s’est pas découragé. Il a été un peu plus loin en prenant conscience que les touristes eventuels ne pouvaient pas venir dans cette Ile de l’Océan Indien « sur les ailes d’un Paille en Queue ».
C’est ainsi qu’il acquit d’abord un escalier (1967) pour faire descendre les passagers des vols d’Air France et de BOAC et l’escalier portait fièrement le nom d’ Air Mauritius . Je ne vais pas vous raconter l’histoire des débuts de notre compagnie nationale avec les premiers vols sur Rodrigues dans un avion où il y avait de place pour un seul pilote. Des Piper Navajo du début aux Airbus d’aujourd’hui, quelle belle histoire tissée par des hommes de vision qui étaient en même temps des patriotes !
2. La Création dans la Bible au service de l’homme
Au moment où vous allez me faire remarquer avec raison que je n’ai pas encore abordé le thème choisi par la commission pour notre Messe d’aujourd’hui, je me permets de vous rappeler que si nous célébrons aujourd’hui le Dieu Créateur qui nous a donné la terre, la mer les plages et le ciel, il ne faut pas oublier non plus que dans la Bible il est écrit que l’Homme est créé à l’image de Dieu.
Cela veut dire qu’en célébrant la création, nous pouvons célébrer la créativité de ces hommes et de ces femmes qui ont eu la vision de développer le Tourisme dans notre pays et qui continuent aujourd’hui à innover comme par exemple a Bel Ombre. A innover et à ajuster notre produit touristique aux besoins de l’homme et de la femme d’aujourd’hui.
3. Quand un prophète rencontre un autre prophète
Je ne vais pas trahir un secret en vous apprenant aujourd’hui que Amédée Maingard et Jean Margéot étaient des amis très proches qui prenaient le temps de dialoguer et de partager des projets un peu fous pour l’avenir de notre pays. Il faut vous dire qu’à cette époque-là, non seulement beaucoup d’hommes religieux de notre pays et même beaucoup de citoyens qu’on pourrait appeler des « bien-pensants » étaient opposés au développement de l’Industrie du Tourisme dans notre pays. On entendait même des remarques tranchantes comme « qu’allons-nous faire avec un tourisme qui va provoquer la dégradation des mœurs dans notre pays ? » et d’évoquer des craintes vis-à-vis de modes de vie et des modes vestimentaires venues d’ailleurs.
Devant cette opposition Jean Margeot, lui aussi prophète à sa manière a eu le courage d’écrire sa lettre pastorale, Le tourisme une chance à ne pas perdre. En effet dans notre pays, de 1985 à 1990, le chiffre d’affaires du tourisme avait quadruplé. Il se situe à l’époque comme 3e pilier de l’économie après l’industrie sucrière et la zone franche. De plus le développement du tourisme a Maurice faisait partie d’un phénomène contemporain international. A ce moment-là dans le monde, un travailleur sur 20 était employé dans le secteur du tourisme et 105 états s’étaient joints à l’Organisation Mondiale du Tourisme.
Considérant le « phénomène tourisme » dans le monde, l’évêque Mgr Margeot souligne qu’il s’agit «d’ un véritable signe des temps ». La lettre pastorale souligne que le tourisme est une industrie qui répond a un besoin ancré dans le cœur de tout humain : celui d’un temps libre et heureux où l’on se repose du travail, un temps qui vise à la détente, au dépaysement et au renouvellement intérieur.
Mgr Margeot ajoute « ce temps des loisirs peut être porteur de très grandes richesses ; il est l’occasion de développer notre sens du bien et du beau. Il est aussi l’occasion d’un dialogue entre le citoyen mauricien et les touristes qui sont enrichissant pour tous ». Comme le disait si bien les grecs d’autrefois en voyage a l’étranger : la différence m’enrichit. C’est dans ce sens que le Pape Jean Paul II attirait l’attention sur le tourisme comme étant une occasion exceptionnelle d’auto-éducation et d’ouverture culturelle.
Le tourisme en soi, soulignait le Pape, est une « valeur et non pas un acte banal de consommation ». Dans cette lettre pastorale, Jean Margeot plaide pour un tourisme à visage humain où une attention est accordée à la personne et pour un équilibre entre le nombre de visiteurs que l’on accueille et la population qui accueille.
L’opinion publique de cette époque retiendra surtout de cette lettre une phrase choc : « le touriste n’est pas un portefeuille à plumer mais une personne à rencontrer ».
Faut-il souligner aussi que le développement du tourisme à l’échelle internationale a été aussi porteur de tout un développement des pèlerinages pour motifs culturels ou religieux. Comme le disait le Pape Jean Paul II : « il est une forme particulière du tourisme qui consiste à prendre la route des pèlerinages… il est bon que le peuple éprouve physiquement qu’il est « nomade sur cette terre, qu’il peut partir, se rendre libre pour rechercher les réalités d’en haut (Colossiens 3,1) »
4. La Naissance de la Commission Diocésaine pour la Pastorale du Tourisme
En synergie avec la lettre pastorale « le Tourisme une Chance à ne pas Perdre », nous sommes témoins de la fondation en 1990 de cette Commission Diocésaine dont le rôle était d’être un lieu de réflexion et un promoteur d’initiatives pour mettre en pratique des orientations proposées dans la lettre pastorale. Les premiers architectes de cette Commission Diocésaine que je voudrais saluer en ce jour anniversaire de nos 35 ans, Monique Dinan, Suzy Edouard, alors engagée dans la MTPA et Guy Hugnin fondateur d’une des premières agences de voyages la MTTB.
Cette Commission avait aussi pour vocation de soutenir les employés du secteur touristique qui sacrifient souvent leur vie familiale et leurs loisirs pour faire comprendre à nos visiteurs de l’étranger que « nous sommes un peuple et pas seulement une plage »
5. l’Expérience Rodriguaise
Déjà dans cette lettre pastorale d’il y a 35 ans, Mgr Margéot attirait notre attention sur la vocation touristique de l’Ile Rodrigues qui apportait une dimension nouvelle à l’industrie touristique : celle de nous montrer que le « tourisme intérieur » est aussi possible mais encore qu’il répond de plus en plus aux besoins des étrangers comme des mauriciens. Je me permets au nom de la Commission Diocésaine, de saluer spécialement nos amis Rodriguais qui souvent, malheureusement, n’ont pas l’occasion de participer à la célébration de la journée mondiale.
Conclusion :
Et Dieu bénit le septième jour
Pour terminer je reviens au texte biblique de la création que nous avons entendu au début de cette messe. La Bible nous révèle que le temps libre est une dimension incontournable dans a durée de la vie d’un homme ou d’une femme. En relisant le premier libre de la Bible, nous voyons Dieu achever son œuvre de Création en interrompant toute activité le septième jour. Dieu bénit et consacre le repos de ce 7e jour, révélant ainsi que « travail » et « repos » sont indissolublement liés dans son activité créatrice (Genèse 2, V2-3).
Dès l’origine du monde et de l’humanité l’alternance travail- repos est inscrite dans la nature même des choses comme un rythme essentiel à toute vie. Le repos, loin d’être une concession ou une tolérance par rapport au travail, se situe en interdépendance avec lui. L’Homme quia été créé œuvre et se repose librement. Ainsi le repos, comme le travail, fait partie de la vocation de l’homme. L’homme a besoin de ce repos pour exercer à son tour sa créativité et développer ses talents.
La Parabole des Talents
L’Homme créé à l’image de Dieu est appeler à développer ses talents comme nous l’avons entendu dans l’Evangile de ce jour. Tous ceux et celles qui ont eu la vision de créer et de développer l’industrie touristique dans notre pays ont été les personnes qui ont fait fructifier leurs latents. Nous qui continuons aujourd’hui à ranimer cette flamme, nous aussi, nous avons l’occasion de développer nos talents. Je souhaite donc que nous puissions, là où nous sommes placés dans l’Industrie Touristique, reconnaitre le talent des autres, même quand ils nous choquent par leur originalité.
Nous sommes invités à favoriser l’épanouissement de ces talents afin que le fruit de notre travail soit partagé avec tous les citoyens de notre pays. Je termine en saluant le dernier né de la Commission Diocésaine du Tourisme, le projet que nous avons appelé « Partaz Kiltir Moris ». L’objectif de ce projet qui est aussi soutenu par l’Organisation Internationale de la Francophonie vise justement à permettre une retombée des fruits de l’industrie sur tous les citoyens et tous les habitants des villages où se trouvent nos hôtels. Le projet est donc une manière concrète de faire confiance aux talents et de les partager.
Merci pour votre attention et au bout de ces 35 années de présence au sein de la Commission je rends grâces pour ce merveilleux voyage avec vous et je suis heureux de transmettre le relais au Père Georgy Kenny qui a bienveillamment accepter de me remplacer comme aumônier diocésain.