C’est à un exercice inédit que s’est prêté Mgr Jean Michaël Durhône le jeudi 6 juillet 2023 au collège Saint Mary’s West à Petite Rivière. En effet, à sa demande, il a rencontré les élèves de Grades 8 et 9 de l’Extended Program afin d’écouter ce qu’ils vivent dans ce système éducatif et ce qu’ils souhaitent comme changement pour qu’il réponde à leurs aspirations. L’Extended Program est un programme d’études d’une durée de quatre ans introduit en 2018 par le ministère de l’Education à l’intention des jeunes n’ayant pas réussi aux examens de fin d’études primaire.
Mme Radegonde, directrice du collège, devait d’emblée situer l’enjeu de cette réunion : « Jusqu’à présent, ce sont les adultes qui ont réfléchi mais aujourd’hui nous voulons votre avis. C’est vous qui pouvez dire ce que vous avez sur le cœur, c’est vous pouvez nous dire ce que vous pensez de nous. C’est encore vous qui pouvez dire comment nous pouvons vous apporter quelque chose qui vous serve pour aller de l’avant ».
Pour faciliter les échanges, un questionnaire en créole a été proposé aux élèves pour leur demander pourquoi ils sont dans le Extended Program, ce qu’ils apprécient dans ce programme, ce qu’ils aiment moins, ce qui devrait être fait pour améliorer ce parcours, leur projet d’avenir et enfin, leur vision du système éducatif à Maurice – depuis leur expérience à la maternelle à ce jour.
Les élèves se sont exprimés, avec une désarmante sincérité, sous l’œil attentif de l’évêque de Port-Louis.
Le soutien des enseignants de l’Extended Program a été unanimement souligné. Ces derniers sont appréciés pour leurs qualités humaines, « zot pran nu kont », ils ne les comparent pas aux autres enfants, les accompagnent en leur donnant de bons conseils et ont à cœur leur avenir.
Les côtés négatifs de l’Extended Program ont été par la suite abordés : les préjugés envers les élèves, les étiquettes qui leur sont attribués, le côté trop académique du parcours, la difficulté de comprendre l’anglais et donc d’aborder les examens.
Pour pallier les problèmes académiques, ils ont été nombreux à suggérer que la langue créole soit utilisée pour les explications et ensuite ils pourraient répondre en anglais. L’introduction de sujets pratiques dans le cursus et de projets, plutôt que des devoirs, a également été proposée.
Concernant leur projet d’avenir, beaucoup ont exprimé le souhait de suivre un cours en cuisine, en coiffure ou en plomberie après avoir complété le Extended Program.
Enfin, interrogés sur le système éducatif, ils ont été unanimes à dire que le système n’a pas changé au fil des années et qu’il est nécessaire de créer quelque chose pour les enfants qui « pa kompran sistem » : « li tro difisil pou nou depi primair, zot pa pran nou kont. Samem nou pa pase. Fode plis activite ».
Pour clore les échanges, Mgr Durhône s’est adressé directement aux élèves : «regar ki lezot ena lor zot – dimoun get zot kouma delinkan, kouma ban indisiplines, ban ki pa kapav arive – finn fer zot perdi confians. Pourtan se pa ban certificat ki fer valer enn dimoun ! Les diplômes ne disent pas la bonté d’une personne. Ayez un joli regard sur vous. Les enseignants aiment ce que vous êtes ! ».
C’est le même message qui a été délivré aux enseignants : « Un enfant peut avancer quand il est valorisé, quand il est aimé. Notre responsabilité : nou ena leker pou zot ».
Mgr Durhône a aussi noté la barrière de la langue qui est un frein à l’apprentissage. Il a dit sa conviction qu’il « faut partir de la langue créole ». Enfin, il a encouragé fortement les élèves à se tenir « debout, marse et galoupe », tout comme Rosa Parks, Marther Luther King et Barrack Obama l’ont fait.
Mgr Durhône a signifié son intention de poursuivre cet exercice d’écoute dans les collèges confessionnels catholiques et les autres collèges où il lui sera possible de le faire. Il s’inscrit ainsi résolument dans la même lignée du Cardinal Maurice E. Piat qui, durant son épiscopat, a mené un combat sans relâche pour l’intégration des enfants rejetés du système éducatif.