Messe de Requiem pour le pape François: Homélie de Mgr Durhône

Chant : Christ est ressuscité Alleluia, Alleluia

Chers frères et sœurs de Maurice, d’Agalega et des Chagos, en reprenant ce chant qui nous rappelle que depuis samedi dernier, l’Eglise célèbre et proclame ces paroles qui sont au cœur de la foi chrétienne : « Christ a souffert sur la Croix, Christ est mort, Christ est ressuscité. Christ est vivant Alleluia ! ». Et c’est dans ce temps de Pâques que le lundi 21 avril 2025, le Pape François a fait son passage de la mort à la vie. Bien qu’il y ait de la tristesse de voir partir le Pape François, notre Papa, nous sommes convaincus que nous ne sommes pas orphelins. Le Christ Vivant et Ressuscité continue de guider l’Eglise. En célébrant la messe de Requiem, le Diocèse de Port- Louis veut célébrer et honorer la mémoire du Pape François.

En cette messe de Requiem, nous prierons pour le repos de son âme tout en étant dans l’action de grâce pour Jorge Mario Bergoglio, le Pape François que le Seigneur a donné à son Eglise comme successeur de Pierre et 266ème Pape dans l’histoire de l’Eglise Catholique. Il s’agit de rendre grâce au Seigneur de trois manières :

- Rendre grâce au Seigneur pour le Pape François, chercheur de Dieu et disciple du Christ

- Rendre grâce au Seigneur pour le Pape François, serviteur de la miséricorde

- Rendre grâce au Seigneur pour le Pape François, porteur d’espérance pour l’Eglise et le monde

I. Rendre grâce au Seigneur pour le Pape François, chercheur de Dieu et disciple du Christ

Le Pape François nous a toujours rappelé que bien qu’il soit l’évêque de Rome, Chef de l’Eglise Catholique et chef de l’Etat du Vatican, il est d’abord et avant tout un chercheur de Dieu et disciple du Christ. C’est ainsi que nous rappelle le livre des Actes de Apôtres ; Tout repose sur la foi dans le nom de Jésus Christ : c’est ce nom lui-même qui vient d’affermir cet homme que vous regardez et connaissez ; oui, la foi qui vient par Jésus.

Le Pape nous faisait remarquer que la première Béatitude, « Heureux vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous », invite chaque disciple à trouver sa joie dans les dons qu’il reçoit quotidiennement de Dieu : «la vie, la création, les frères et sœurs... Et les biens qu'il possède, il est heureux de les partager, car il vit dans la logique de Dieu qui est la gratuité ».

C’est ainsi que le Pape a vécu sa recherche de Dieu pour se mettre à la suite de son Maître et Seigneur Jésus Christ. Il a su rendre son cœur disponible à la volonté de Dieu. Dans un document (publié par le Pape François le 24 octobre 2024) ayant pour thème « L’Amour humain et divin du cœur de Jésus Christ’ », il insiste sur ce cœur du disciple : Le cœur est également capable d’unifier et d’harmoniser l’histoire personnelle, qui semble fragmentée en mille morceaux mais où tout peut avoir un sens. C’est ce que l’Évangile exprime avec Marie qui regardait avec le cœur. Elle savait dialoguer avec les expériences conservées en y réfléchissant dans son cœur, en leur donnant du temps, les méditant et les conservant intérieurement pour se souvenir.

Le Pape François est d’abord et avant tout un disciple du Christ en étant un homme de prière qui cherchait à rencontrer Dieu et se tenir en sa présence. Il y a une très belle photo où en plein confinement de la Covid- 19, (vie personnelle et vie mondiale bouleversée) nous le voyons seul devant cette grande place St Pierre vide. Le Pape François est en prière dans ce lieu qui d’habitude accueille des milliers de pèlerins et des personnes de toute confession religieuse. Ce témoignage de foi de sa part, nous faisait découvrir qu’il prenait soin de sa vie intérieure. Son âme, son cœur et son intelligence sont tous tournés vers le Christ, afin d’offrir le monde au Christ.

II. Rendre grâce au Seigneur pour le Pape François, serviteur de la miséricorde

Tout au long de son pontificat, le Pape François a témoigné du visage maternel d'une Église qui se penche sur ceux qui sont blessés, et en particulier ceux qui sont blessés par le péché. Le Pape venu « du bout du monde » n'a pas modifié les enseignements de la tradition chrétienne reçue depuis 2025 ans. En remettant la miséricorde au centre de son magistère d'une manière nouvelle, il a changé la perception que beaucoup avaient de l'Église.

« La miséricorde de Dieu nous dit le Pape, est notre libération et notre bonheur. Nous vivons de la miséricorde et nous ne pouvons pas nous permettre d'être sans miséricorde : c'est l'air que l’on respire. Nous sommes trop pauvres pour poser des conditions, nous devons pardonner, parce que nous avons besoin d'être pardonnés ».

Le message de miséricorde a caractérisé le pontificat du Pape François. De très nombreuses thématiques ont été abordées par le premier pape argentin de l'histoire de l'Église, en particulier l’attention pour les pauvres, la fraternité, la protection de la maison commune (écologie), le refus ferme et inconditionnel de la guerre. Mais le cœur de son message, celui qui a probablement le plus impressionné, c’est l'appel évangélique à la miséricorde, à la proximité et à la tendresse de Dieu envers ceux qui ont besoin de son aide. La miséricorde comme « l’air que l’on respire », ce dont nous avons le plus besoin, sans quoi il serait impossible de vivre.

La miséricorde est comme le ciel : nous regardons le ciel, il y a beaucoup d'étoiles, mais quand le soleil arrive le matin, il y a tellement de lumière qu'on ne voit plus les étoiles. C'est ainsi qu'est la miséricorde de Dieu : une grande lumière d'amour, de tendresse, parce que Dieu ne pardonne pas par un décret, mais par une caresse » disait- le Pape.

Tout au long de son pontificat, le 266e Successeur de Pierre a montré le visage d'une Église proche, capable de témoigner de la tendresse et de la compassion, d’accueillir tout le monde, même au prix de prendre des risques d’être incompris et sans se soucier des réactions. « Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins », avait écrit François dans Evangelii gaudium, la feuille de route de son pontificat, « plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités». Une Église qui ne se fie pas aux capacités humaines, mais qui se rend transparente pour faire connaître le visage miséricordieux de Jésus Christ.

C'est ainsi qu’il a commencé son pontificat en allant prier pour les migrants morts en Méditerranée à Lampedusa, et l'a terminé dans un fauteuil roulant, passant sa vie jusqu'à son dernier moment à témoigner au monde de l'accolade miséricordieuse d'un Dieu proche et fidèle dans son amour pour toutes ses créatures.

La miséricorde de Jésus se vit dans l’Evangile d’aujourd’hui où Jésus ressuscité vient réconforter ses disciples bouleversés par sa mort. La miséricorde de Jésus se vit quand Jésus Ressuscité mange un morceau de poisson avec les disciples. Il partage leur quotidien : peur, frayeur, bouleversement, découragement et désespoir.

Le Pape François a témoigné de la miséricorde lors de sa visite à l’île Maurice le 9 septembre 2019. Dans son homélie, il se fait proche de notre réalité mauricienne quand il parle de la souffrance des jeunes et de leur avenir incertain. Le Pape nous interpellait ainsi : « Ne nous laissons pas voler le visage jeune de l’Eglise et de

la société ; ne laissons pas les marchands de la mort voler les prémices de cette terre ».

III. Rendre grâce au Seigneur pour le Pape François, porteur d’espérance pour l’Eglise et le monde

Le Pape François avait cette conviction profonde que tout disciple du Christ, voulant vivre la miséricorde marche dans les pas du Christ, notre espérance. Le Christ est le modèle par excellence du missionnaire d’espérance. Sa vie, sa mort et sa résurrection sont l’assurance d’un avenir plein d’espérance, même dans les moments d’obscurité. En ce temps de Pâques, le tombeau ouvert nous ouvre un avenir. C’est pourquoi le Pape François rappelle à l’Eglise et tout chrétien d’être, porteurs et bâtisseurs d’espérance en se mettant au service des plus démunis et en vivant les joies et les souffrances des autres.

Le Pape François a su renouveler la mission de l’espérance à travers ses 47 voyages à travers le monde et à travers les réseaux sociaux.

Il n’a pas seulement annoncé l’espérance, mais en a donné des signes pour notre temps en protégeant la dignité de chaque personne, comme les migrants, en s’engageant contre la peine de mort et la pauvreté, en luttant pour la paix et la transmission de la vie.

Comment ne pas nous rappeler sa prise de position pour le people chagossien, en affirmant son soutien dans le combat pour la souveraineté des Chagos ?

Pour demeurer dans l’espérance en cette année du Jubilé, le Pape François nous laisse comme héritage la redécouverte de l’Eglise synodale où le Pape, les évêques, les diacres, les religieux, religieuses et laïcs, apprennent à marcher ensemble en portant leur attention envers ceux qui risquent de perdre l’espérance.

Comme nous le rappelle le Cardinal Piat, le Pape François est un Pape grand par sa façon de nous entraîner à marcher ensemble joyeusement, à la suite de Jésus, à nous ouvrir à la fraternité́, à vivre une inlassable miséricorde ; un pape grand par sa vie donnée. Le Cardinal Piat rend grâce au Seigneur pour cet élan synodal qu’il a donné́ à l’Eglise ; et aussi d’avoir vécu une douzaine d’années à la fois abrité et sans cesse réveillé́ par un pape aussi affectueux et stimulant.

Nommé et ordonné évêque sous son pontificat le 20 août 2023, j’ai été marqué par sa vison d’Eglise. Sa vision d’une Église plus accueillante et fraternelle, continuera d’inspirer des générations. Que son héritage soit une lumière pour l’avenir. Amen !