Dans le cadre de la Journée Mondiale des Communications sociales, nous avons donné la parole à Sabrina Quirin, journaliste de la presse écrite depuis 30 ans. Elle revient sur son parcours professionnel, l’évolution et les défis de la profession.
Vous êtes journaliste à Week-End (Le Mauricien Ltd) depuis 30 années. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire du journalisme ?
Après mes études secondaires au Couvent Lorette de Curepipe, je n’avais qu’une priorité: trouver un emploi. Et le journalisme ne faisait pas partie de mes choix. Parallèlement, j’écrivais beaucoup, de la poésie à des histoires en tout genre car petite, je cultivais sans cesse ma curiosité et mon éclectisme.
Grâce au premier prix d’un concours de poésie, je me suis faite remarquée par Yvan Martial, ex-rédacteur en chef de l’Express. J’ai intégré l’équipe de correction du journal avant de m’en aller après un an et demie. Un groupe m’avait recrutée pour faire du marketing. Mais j’avais comme un sentiment d’infidélité envers la presse. Même si je n’étais pas encore journaliste, le milieu me manquait grave.
Puis, un heureux hasard a fait que Le Mauricien Ltd m’a tendu la main…ou plutôt la plume. J’ai commencé le journalisme à Scope, en 1992. J’ai fait partie de la rédaction du magazine pendant huit ans où j’ai pratiquement tout appris de mon métier et ce allant des fondamentaux au terrain. Les formations poussées, à Maurice et à l’étranger, m’ont non seulement forgée mais ont aussi conforté mon désir de poursuivre cette voie. Au final, au bout de 30 ans, je pense que c’est le journalisme qui m’a choisie.
Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour être journaliste ?
La curiosité, celle-ci est loin d’être un défaut quand elle est animée par la soif de connaissance, de compréhension pour se nourrir d’abord et ensuite informer les autres.
La modestie, pour accepter que notre position ne nous donne pas le droit de prétendre que nous savons tout sur tout et que notre statut professionnel ne nous confère aucune ascendance sur autrui.
L’humilité, parce que c’est l’information qui doit toujours primer, le/la journaliste qui utilise sa plateforme ou d’autres plateformes pour faire la promotion de son image n’a rien compris du métier. Le show peut se faire ailleurs. La discrétion, bien entendu, dans le cadre des sujets que l’on traite.
Il est important de dire que les qualités vont de paire avec les valeurs qu’on retrouve dans notre métier. Le/la journaliste qui adhère à la déontologie et l’éthique, en fait le socle de sa crédibilité. Il faut savoir oser se remettre en question avec objectivité et s’indigner pour ne pas rester un témoin passif de l’actualité.
Comment a évolué le métier de journaliste cette dernière décennie ?
En amont, depuis qu’internet est considéré comme un média à part entière, l’industrie de l’information a connu une transformation qui s’est accentuée ces dernières années. Le journalisme s’est naturellement adapté à cette évolution. Il y a plus de dix ans, internet n’était pas une source, un outil… Aujourd’hui, il l’est.
Des journalistes web sont formés afin d’exercer pour le compte des médias en ligne.La numérisation de l’information a bousculé, dans le bon sens, les médias traditionnels dont je suis un pur produit. A titre d’exemple, le groupe dont je fait partie a évolué avec la tendance numérique et développé son journal en ligne. Le/la journaliste, même s’il/ si elle n’est pas dans l’équipe rédactionnelle web, il/elle va participer spontanément au traitement et à la publication d’une nouvelle pour être mise en ligne, parce que nous avons aussi pour objectif avoir la primeur de l’information.
Avec le numérique, nous nous devons de rester dans un cadre prédéfini par l’instantanéité de l’information, ce qui nous oblige aussi à décupler la vigilance sur nos contenus. Et ce tout en maintenant la qualité. Toutefois, en s’ajustant aux paramètres du numérique, les journaux papier avec une chute au niveau de leur tirage, affrontent la suprématie d’internet non sans mal!
Quelles sont les difficultés pour vivre cette profession ?
Soyons simples et directs, ce on ne devient pas riche en faisant ce métier! Mettons cette question dans le présent contexte économique en gardant en tête qu’un journal est un avant tout produit qui doit se vendre.
Ce “produit” compte principalement sur des annonceurs, lesquels ne sont pas sortis indemnes des conséquences financières du covid-19. Et l’impact sur la presse écrite n’a pas été léger! Comme toute entreprise, la presse écrite a dû prendre des mesures pour maintenir sa tête hors de l’eau et remonter la pente, sans interrompre sa mission première. Toute restructuration fragilise l’emploi et peut entrainer une préconisation de notre profession.
Entretemps nous subissons une inflation qui flirte avec deux chiffres et une flambée des prix à tous les niveaux. Avec ce schéma, le/la journaliste est aussi un/une citoyen/ne et un/e consommateur/consommatrice affrontant les mêmes difficultés de la vie et d’une société de consommation à plusieurs vitesses que n’importe quel autre. A savoir que les employés de la presse écrite et parlée (privée), dont les journalistes, sont rémunérés selon le National Remuneration Board.
Quelle vision avez-vous de votre métier aujourd’hui ?
Ma vision du journalisme n’a pas changé, depuis 1992. Au-delà d’être un courroie d’information, ce métier est aussi à mes yeux un rempart contre l’injustice sous toute ses formes. On parle de la presse comme un pouvoir. Si elle en a, c’est celui de participer à l’amélioration d’une société dynamique.
En quoi le journalisme apporte - t-il une espérance à notre société mauricienne?
Les médias ont été et, heureusement, reste encore une plateforme vitale et parfois l’ultime recours des citoyens pour s’exprimer sur tout, de leurs réflexions à leurs préoccupations, en passant par les problèmes et les travers du système qu’ils dénoncent. Les médias ont grandement contribué à débloquer des situations, résoudre des drames humains, mettre en place des élans de solidarité. Les journaux et la radio font intrinsèquement partie de la vie du Mauricien. Les médias en ligne avec les réseaux sociaux comme relais, de celle de la présente génération. Donc, le journalisme est appelé, pour longtemps sans doute, à être à l’écoute de cette société et faire écho de ses attentes.
Pour terminer : journaliste, un métier en (r)évolution ?
Il n’y a aucun doute à cela. J’ai évoqué ce point plus haut. Ce sera à nous de nous adapter à tous les changements et transitions technologiques qui vont certainement redéfinir notre métier.